POURQUOI J'ECRIS DES VERS...

Publié le par Emmanuel RASTOUIL

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Pourquoi j’écris des vers aussi mélancoliques ?
C’est que le monde ici me semble bien obscur,
Que les actes de l’homme ou le cœur de son rêve
Ne m’apparaît voué qu’à l’échec le plus sûr,
Tant ses desseins naïfs virent machiavéliques…
Si je suis négatif, tout un rempart s’élève
Et me contraint à croire à l’évidente trêve :
« Demain sera vraiment balayé de tout mal !
Ceux qui n’embrassent pas ce vœu sont défaitistes,
Nous ne voulons pas d’eux sur nos parfaites listes,
L’homme est décidément bien plus qu’un animal !
Si son espoir intègre et son entendement
Le guident tour à tour, servis par la sagesse,
Aucune entrave, alors, ne pourra retenir
Le travail de ses bras luttant pour l’avenir
Et pour le bien de tous en poignante promesse !
S’il était des ardeurs qui ne soient constructives,
Il nous faudrait voter des lois définitives
Pour notre noble cause, et ne garder vivants
Que les esprits loyaux, adeptes et fervents ! »
 
Si fréquemment mon vers prend des détours maussades
Et laisse un son pénible empli de désespoir,
C’est que je ne crois pas que le destin de l’homme
Appartienne vraiment à celui qui veut voir
Le genre humain géré par d’autres camarades…
J’ai le sentiment d’être une bête de somme
Qui besogne toujours, qui partage et consomme
Mais ne jouit jamais du fruit de son travail.
A quoi sert de mener une humble et morne vie
Si l’on ne peut combler la plus petite envie,
Qu’on ne prend pour repas qu’un vieux pain frotté d’ail ?
Que vaut de travailler si l’on ne peut s’offrir
Qu’un petit bout de terre à rembourser sans cesse
Quatre pans sous un toit dans un lotissement,
Une verte clôture, un voisin bien charmant,
Un pauvre paradis pour sa triste princesse ?
Non, vraiment, je ne veux me résoudre à poursuivre
Les chimères des uns, si c’est juste survivre…
Si je ne peux donner le meilleur pour les miens,
Autant changer d’espoir et les combler de riens !
 
Aussi bien, quand j’écris, je vois la providence
Vouloir tantôt nourrir, tantôt empoisonner
Le rythme de nos jours, comme une loterie
Va choisir un gagnant et les autres ruiner ;
L’accident peut détruire une brève existence.
Qui n’a jamais perçu, dans une âme en furie,
Le poids de la démence et la sauvagerie
Qui, d’un coup, peut s’abattre et provoquer la mort ?
Et qui peut ramener un enfant à la vie,
Qui pourra le guérir, assurer sa survie
Lorsque la maladie incurable l’endort ?
L’homme est esclave aussi de la fatalité !
Je ne fus pas exempt de mon lot de souffrances
Quand le destin me prit ma mère et puis ma sœur,
Plongeant mon existence au fond d’une noirceur
Dont je m’emploie encore à briser les errances…
Oh, je ne pense pas avoir le monopole
De toutes les douleurs, mais cela me désole
De devoir vivre avec le manque et le tourment,
Qui luttent dans mon cœur aussi cruellement.
 
Je sais pourtant la part de moi la plus intime,
Le caractère aigu qui me pousse au secret.
L’enfer du monde étreint mon esprit qui s’isole.
Mais je lutte, c’est sûr, pour sortir du retrait,
Etre plus expansif, éviter la déprime,
Mais il s’en faut de peu pour que je dégringole
Et personne à côté qui m’aime et me console…
Non, j’exagère trop ! Ma femme est près de moi,
Qui m’aide et me comprend, jamais ne m’abandonne.
Comme un vent doux le soir, elle sait être bonne.
Et puis, j’ai mes garçons, des plus gentils qu’il soit !
Ils rejoindront bientôt les hommes de leur temps,
Aussi j’ai pour devoir de leur montrer l’exemple,
Car c’est tout ce qui reste au seuil de nouveaux jours,
Quand un petit adulte entame son parcours.
Moi, c’est toujours la peur que j’entends et contemple…
Si tous mes vieux pêchés, me jetant l’anathème,
Me ramenaient avant, serais-je encor le même ?
C’est quand revient le soir que je vis l’abandon.
J’entrevois le secours dans l’espoir du pardon.
 
Oui, ce troublant portrait serait bien pessimiste
S’il n’était peint qu’avec ces sinistres couleurs.
Mes vers n’auraient pas tort de pleurer leur complainte,
Nourris de l’inconstance et de tant de douleurs,
Car, bien heureusement, le Créateur existe !
Il dissout la froideur, l’obscurité, la crainte,
En s’approchant tout près de sa Parole sainte.
Ce qu’il offre aujourd’hui pour celui qu’il soutient,
Ce sont des vérités et des réponses claires,
Aux appels insistants, légitimes colères
De l’humble serviteur, véritable chrétien.
Oh, je vois le moqueur et son sourire en coin
Qui dit que le Très-haut, c’est un lot de bêtises !
Qu’il faut pour vivre libre oublier tous les dieux,
Car l’homme intelligent guide son pas bien mieux !
Moi, je laisse à chacun croire toutes sottises
Et ne veux surtout pas montrer de différence
Souligner simplement que c’est par espérance
Que je peux accepter le bagne, la prison,
Ou le vol de mes biens ; je garde ma raison !
 
Si je fais le constat, les temps sont difficiles.
Il faut faire « dos rond » et rester patient,
Demain sera pour tous plus juste et favorable !
En attendant de voir un bien-être durable,
J’écris des vers chagrins en étant conscient
Qu’ils possèdent en eux des voluptés graciles,
Sachant réconforter les cœurs les plus fragiles,
Pour que ce monde enfin ne soit pas qu’ un mouroir 
Et donner au final une lueur d’espoir !


Peinture Chagall (Tous droits réservés)
Merci à Jean BRACCO pour son aide.

Publié dans ballade

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